Fille de la campagne - Edna O'Brien - Sélection d'octobre du Prix Elle 2014

Etonnamment, Edna O’Brien ne commence pas ses mémoires en racontant son enfance, mais en parlant des lieux qui l’ont marquée : les maisons, et surtout celle de ses parents. La narration de son enfance est très froide, comme si elle ne se souvenait pas d’avoir vécu ces moments, comme si c’était une personne extérieure qui les lui avait racontés. De l'école, elle retient l'apprentissage et l'inculcation de la culture irlandaise à travers sa langue et ses mythes. Mais la distance qu'elle prend vis-à-vis de ce qu'elle raconte empêche de comprendre l'impact de l'école sur la construction de sa personnalité. 

Ce n’est que lorsqu’elle raconte son internat chez les sœurs que son autobiographie commence à prendre de l’intérêt : on y sent beaucoup plus ses émotions ; elle ne fait pas que raconter des événements, elle commence également à raconter la façon dont elle les a vécus. Il devient alors beaucoup plus facile d’entrer dans l’histoire de cette écrivaine. Pour autant, son autobiographie reste ardue à lire pour ceux, comme moi, non initiés à la littérature irlandaise et à son histoire politique. J’avoue m’être parfois sentie un peu perdue. 

Au fur et à mesure que les années de sa vie passent, Edna O’Brien fait l’apprentissage d’une certaine forme de liberté : elle apprend le métier de pharmacienne, sort et tombe amoureuse. Mais elle est confrontée aux réalités et à la pression sociale qui pèsent lourdement sur elle, dans cette Irlande très catholique. C’est une femme en avance sur son temps. 

J’ai alors commencé à prendre du plaisir à lire son histoire. Elle raconte comment son futur mari l’a initiée à la littérature. Ce sujet de la découverte de la littérature chez un écrivain est toujours quelque chose de particulièrement intéressant, voire d’émouvant. 

Grâce à son mari, Edna O’Brien se libère. Et paradoxalement, sa plus grande libération fut sa séparation, un moment très difficile à vivre. Elle le raconte sans aucun pathos et avec beaucoup de pudeur, certainement grâce à la distance des années. Son témoignage en dit long sur la condition des femmes dans les années 1960 : elle vécut sous la tutelle de son mari, ne pouvait gagner sa vie et gérer son propre argent. La simplicité des mots qu’elle utilise pour crier cette vérité est certainement la force de son texte. 

J’ai beaucoup moins apprécié la suite du livre, dès lors qu’Edna O’Brien ne touchait plus au thème de sa libération. Certains chapitres ne sont qu’une liste des différentes célébrités qu’elle côtoyait à l’époque. Quel regret que certaines relations ou amitiés fortes n’aient pas été mises en avant ! Il en va de même avec les chapitres sur son intervention à l’étranger (dans l’industrie du cinéma ou à l’université) : ses souvenirs sont racontés avec beaucoup de froideur, comme si elle ne les avait pas vécus. 

Fille de la campagne m’a laissé un goût amer : de belles choses y sont racontées, mais il faut faire le tri de tout le superflu. Dommage… 

Référence

Edna O'Brien, Fille de la campagne, édition Sabine Wespieser, 478 pages

Comments

[fleurfleur]

Galéa : c'est ça! Ce qui m'a charmée, c'est plutôt sa "libération", sa prise d'indépendance.

[sous les galets]

j'ai un peu le même sentiment que toi Fleur, sur ce livre, mais je n'arrive pas à le détester, il y a vraiment des côtés qui m'ont charmée (sa vie de romancière surtout)

[fleurfleur]

Awa : j'avoue avoir eu besoin de lire en diagonale certains passages. Sinon, je n'aurais pas tenu!

[awa74]

Ca y est, je l'ai lu... et abandonné... je me suis ennuyée à mourir...

[fleurfleur]

Awa : effectivement, si tu as lu tous les avis de notre groupe de jury, tu ne dois pas être très motivée pour le lire...