Intérieur nuit - Marisha Pessl
Ashley Cordova est retrouvée morte en bas d'un immeuble à l'abandon et tout laisse à penser qu'elle se serait suicidée. Ashley est la fille d'un très célèbre réalisateur américain, Stanislas Cordova. Elle fut une enfant pianiste virtuose jusqu'au jour où elle arrêta la musique sans raison apparente. Pour le journaliste d'investigation Scott McGrath, son suicide n'est pas nécessairement aussi évident que la police semble le croire. Ce décès lui offre l'opportunité d'investiguer de nouveau sur la mystérieuse famille Cordova.
Stanislas Cordova est un réalisateur dont l'oeuvre tourne autour de la noirceur humaine ; il sonde ses profondeurs les plus sombres pour en faire des films durs, violents et troublants au point qu'ils sont interdits à la vente. Il faut être un fan acharné, un véritable cordoviste pour y accéder. Un grand mystère règne sur Cordova car sa dernière interview date de plusieurs décennies et le grand public est resté sans aucune nouvelle de ce réalisateur depuis.
Scott McGrath avait déjà essayé de percer le mystère autour de Cordova, de son assistante surnommée Le Coyote et du Peak, sa propriété aux dimensions incroyables, en vain. La mort d'Ashley le bouleverse et il décide de mener de nouveau l'enquête, persuadé que la démesure de son père a quelque chose à voir avec le destin tragique de cette jeune femme. Son enquête l'amène à faire des rencontres avec des personnalités assez originales, à fouiller dans un passé sombre d'où il émerge des soupçons de sorcellerie et de maltraitance. Plus McGrath avance et plus ses intuitions sur Cordova semblent fondées...
Marisha Pessl a le don d'hyptoniser son lecteur dès les premières pages, par une ambiance très sombre voire effrayante. Elle dose les découvertes de McGrath à merveille, afin de nourrir son lecteur petit à petit et de lui donner envie de poursuivre sa lecture : à chaque nouvelle piste de McGrath, une découverte troublante. J'ai particulièrement ressenti cette gradation en intensité dramatique avec la découverte d'actes de sorcellerie dans le passé de la famille Cordova.
Mais ce qui fait d'Intérieur nuit un polar qui fonctionne si bien est son réalisme. Naïvement, j'ai immédiatement cru que Marisha Pessl s'était inspirée de personnages réels pour écrire ce roman (une petite recherche sur Google m'a vite convaincue du contraire). L'univers extrêmement détaillé et documenté de Cordova (la description de scènes de ses films, celle de sa propriété, les explications sur ses "théories" ou plutôt sa "philosophie"...) a rendu le roman d'autant plus vraisemblable à mes yeux, ce qui est une vraie force pour un thriller... Cette construction d'un monde cordoviste m'a beaucoup impressionnée, à la manière dont John Irving m'avait impressionnée avec Le monde selon Garp.
J'ai toutefois une réserve sur ce roman : j'ai regretté sa construction, qui m'a parfois semblée caricaturale ou du moins trop évidente. Après des dizaines de pages consacrées à la rencontre d'un témoin qui se confiait souvent trop facilement à McGrath, succédaient des dizaines de pages d'action (souvent intenses, si bien que cette partie était un vrai page-turner), pour ensuite revenir au témoignage d'une autre personnes, puis à de l'action, etc.
Malgré ce défaut qui m'a semblé flagrant pendant ma lecture, je n'ai pas vu les 720 pages passer (les pavés sont toujours source d'inquiétude pour moi). Bien que n'étant pas une experte en polars et malgré ma réserve, c'est un roman que je recommande aux amateurs d'enquêtes et de cinéma (on y trouve des références sérieuses et amusantes).
Si vous voulez lire d'autres avis que le mien, je vous conseille ceux de Laure, d'Eva et de Coralie. Et rendez-vous en octobre pour l'émission des Bibliomaniacs !
Référence
Marisha Pessl, Intérieur nuit, éditions Gallimard, 720 pages, traduction Clément Baude