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Les élucubrations de Fleur
3 avril 2016

Le nouveau nom - Elena Ferrante

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Dans le premier tome de la saga napolitaine, Elena Ferrante laissait son lecteur au mariage de Lila et Stefano Caracci. Lors du dîner, Lila réalisait que son mari n'était pas celui qu'elle croyait et qu'il était lié d'une certaine manière avec son ennemi juré, Marcello Solara. A compter de ce moment, quelque chose s'est brisé en Lila, elle considère que son mariage est terminé. 

"Toute sa vie, elle lui sacrifierait ses qualités et lui ne se rendrait même pas compte de ce sacrifice, il vivrait parmi les trésors de sentiment, d'intelligence et d'imagination qui la caractérisaient sans savoir qu'en faire, il allait la gâcher !" (page 25)

Elena quant à elle poursuit ses études au lycée avec réussite mais elle ne peut s'empêcher de comparer sa vie à celle de Lila, d'essayer de la vivre aussi vite qu'elle. Elle ne comprend pas où leur amitié en est car Lila reste toujours aussi insaisissable. Elena n'arrive pas à s'expliquer sa froideur et la distance qu'elle cherche à mettre dans leur relation. Elle réalise à quel point leurs préoccupations sont différentes. 

"Des mots : avec des mots on fait et on défait comme on veut." (p. 50-51)

Dès la nuit de noce, Lila se rend compte que non seulement elle n'aime pas Stefano, mais elle le hait. C'est un homme grossier, qui aime l'idée de posséder Lila et qui est incapable de la comprendre. Il se perd dans ses changements d'attitude et son réflexe devient alors d'endosser le rôle que l'on attend de lui, celui de l'homme viril. Il décide qu'il ne se laissera pas guider par sa femme et la battra s'il le faut pour la mettre à sa place, dans le rôle que l'on attend d'elle : celui d'une femme docile qui obéit à son mari.

"[...] depuis l'enfance, nous avions vu nos pères frapper nos mères. Nous avions grandi en pensant qu'un étranger ne devrait pas même nous effleurer alors qu'un parent, un fiancé ou un mari pouvaient nous donner des claques quand ils le voulaient, par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer." (p. 61)

Malgré un mari violent et incapable d'empathie, Lila reste une femme forte. Elle arrive à faire plier les gens en les manipulant et réussit ainsi à faire prospérer les affaires de son mari, fortement lié à la mafia. La relation entre Elena et Lila est tumultueuse : après des moments de silence, elles finissent par se parler. Elena devient alors la seule à qui Lila confie son malheur.

"Même si tu es mieux que moi, même si tu sais plus de choses que moi, ne m'abandonne pas !" (p. 171)

Mais Lila, qui est non seulement malheureuse de sa situation maritale l'est encore plus d'avoir abandonné toutes ses chances de sortie de ce milieu social en ayant quitté l'école pour se marier. La réussite scolaire d'Elena lui rappelle constamment qu'elle est prisonnière de sa vie de femme mariée et de vendeuse dans une épicerie. Cette amertume se transforme en une rancoeur et une jalousie à l'égard de sa meilleure amie.

"Il ne me vint jamais à l'esprit, comme cela s'était produit en d'autres occasions, qu'elle avait éprouvé la nécessité de m'humilier afin de mieux supporter sa propre humiliation." (p. 193)

Tout le roman tourne autour de l'idée que la réussite, la liberté et le bonheur ne pourront s'acquérir qu'en quittant ce milieu : en le quittant physiquement (par des études lointaines), en quittant son langage (en apprenant à parler italien et non plus le dialecte, ce "parler faux"), en développant sa culture. 

"C'est Lila qui rend l'écriture difficile. Ma vie me pousse à imaginer ce qu'aurait été la sienne si mon sort lui était revenu, à me demander ce qu'elle aurait fait si elle avait eu ma chance. Et sa vie surgit constamment dans la mienne, dans les mots que j'ai proconcés et derrière lesquels il y a souvent un écho des siens [...]." (p. 398)

La force de la narration d'Elena Ferrante est d'arriver très vite à créer un sentiment de proximité avec le lecteur. On a l'impression de retrouvailles, d'une grande chaleur en lisant ce livre. La lecture se fait comme si on écoutait une amie nous raconter sa jeunesse. La narration est faite avec tellement d'authenticité et de simplicité que c'en est brillant. Je crois que c'est la sincérité de ce roman qui m'a autant touchée. 

Le nouveau nom est d'une richesse incroyable, à la fois dans la finesse de la psychologie des personnages mais aussi dans la diversité des thématiques soulevées. J'ai été particulièrement sensible à celle de l'ascension sociale mais bien d'autres thématiques sont tout autant passionnantes. Le fil rouge est bien évidemment l'amitié et le lien qui reste entre deux personnes qui furent aussi proches pendant des années. Certains épisodes sont écrits avec génie. Les chapitres sur les vacances à Ischia sont tout simplement brillants. On y redécouvre ce qu'est un été pour deux adolescentes. Alors que cela aurait pu être traité de façon très naïve par d'autres, Elena Ferrante fait de ces vacances de magnifiques chapitres sur la jeunesse, l'insouciance, le plaisir de plaire, de vivre. 

"entrelaçant même ses doigts avec les miens, à tel point que je n'ai aucun souvenir du golfe bleu azur, tant la pression de sa main me bouleversa." (p. 231)

Il y a mille raisons de poursuivre la lecture de la saga napolitaine avec ce deuxième tome, ou de la commencer avec L'amie prodigieuse. Le nouveau nom complète L'amie prodigieuse et le surpasse : j'y ai retrouvé toutes les qualités du premier tome, avec l'impression qu'elles étaient décuplées. 

Nous ne sommes qu'au mois d'avril et pourtant, je sais que c'est LE roman de l'année 2016 !

 

Référence

Elena Ferrante, Le nouveau nom, éditions Gallimard, traduction d'Elsa Damien, 554 pages

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Commentaires
Les élucubrations de Fleur
  • Voici mes élucubrations autour de mes découvertes littéraires. Mais, comme il n'y a pas que les livres dans la vie, il m'arrive de temps en temps de parler de tout ce qui a un lien avec la culture : cinéma, beauté, sorties culturelles et gustatives..
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