Quartier lointain (Tomes 1 et 2) - Jirô Taniguchi
Nakahara a 48 ans, c'est un homme d'affaires japonais vivant à Tokyo avec sa femme et ses deux enfants. Un jour, à l'occasion d'un déplacement professionnel, il se rend à Tokyo. Il se trompe de train pour le retour et arrive dans la ville de son enfance par erreur. Il doit attendre deux heures pour monter dans le prochain train. Pour patienter, il décide d'aller se promener à travers les rues de Kurayoshi. Il reconnaît difficilement la ville de son enfance, tant elle s'est modernisée. Au cimetière où est enterrée sa mère, des souvenir douloureux refont surface : l'abandon de son père alors qu'il n'était âgé que de 14 ans et le décès de sa mère alors qu'il venait de se marier.
Fatigué, il s'endort dans le cimetière. Lorsqu'il se réveille, il se retrouve dans son passé. Il n'a pas encore 14 ans et décide alors de profiter de cette opportunité extraordinaire pour comprendre le geste de son père et essayer de l'en empêcher.
Les deux tomes de ce roman graphique constituent la même histoire et pourraient tout à fait ne pas être divisés en deux tant le deuxième tome est dans la continuité du premier. Au début de l'histoire, Nakahara est stupéfait d'être retourné dans son adolescence et il profite au maximum de ce retour dans son passé. Il retrouve ses amis d'enfance et sa famille et compte prendre le temps de passer des moments avec eux. Il a un réel plaisir à retourner sur les bancs du collège et fait preuve de beaucoup de maturité, ce qui n'est pas sans étonner son entourage. Dans le deuxième tome, qui constitue la suite de l'histoire, il se rend compte qu'il ne maîtrise pas le temps qui passe et qui le rapproche fatalement du départ de son père. Il voudrait mener une enquête mais rien ne laisse présager un probable abandon et il ne sait pas comment faire parler son père.
La thématique centrale de ce roman graphique est celle du temps, ce qui m'a beaucoup intéressée. Nakahara retourne à une époque où sa vie était douce et insouciante. En tant qu'adulte dans la peau d'un adolescent, il a le sentiment qu'il n'en profitait pas assez. A travers Nakahara jeune et adulte, Jirô Taniguchi fait découvrir deux Japon : celui de la campagne il y a 30 ans et celui de Tokyo aujourd'hui. Dans ces deux Japon, le temps n'a pas le même sens. A Tokyo, il ne maîtrise ni son temps ni sa vie. Il ne peut pas être présent auprès de sa famille à cause de son travail. A Kurayoshi, le temps s'écoule de façon beaucoup plus lente.
Ce qui caractérie Quartier lointain est ainsi une certaine atmosphère faite de nostalgie, de tristesse et d'une certaine quiétude. A travers un seul dessin et bien souvent sans l'usage des mots, Taniguchi est capable de faire ressentir des émotions assez puissantes. Il raconte l'intériorité de ses personnages avec beaucoup de talent. J'aurais toutefois préféré que ces dessins soient en couleur car on imagine très facilement que certains d'entre eux auraient pu être magnifiques, notamment lorsqu'il représente des paysages ou le ciel.
Référence
Jirô Taniguchi, Quartier lointain (Tomes 1 et 2), éditions Casterman, adaptation de Frédéric Boilet