Petite Poucette - Michel Serres
Présentation de l'éditeur : Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.
Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.
De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise «Petite Poucette» - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces. Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...
Michel Serres nous décrit un nouvel Homme, qu'il nomme Petite Poucette : elle ne vit pas dans le même monde, a un schéma mental différent du notre, et elle a été éduquée différemment. A travers Petite Poucette, Michel Serres nous fait part d'une rupture : elle n'a pas la même vision de la vie, du travail et de la mort. Il parle d'une transformation "homnisciente" pour qualifier le changement dont elle est la preuve même.
Ce phénomène de rupture dans lequel nous entrons ne se produit pas souvent dans l'Histoire (la Renaissance en a été un exemple). J'ai été assez étonnée de voir que Michel Serres ne regrette pas la réalité qui s'éteint pour laisser la place à une nouvelle réalité. Il se pose en observateur. Ce qu'il regrette finalement, c'est de ne pas faire partie de ces Petits Poucets, c'est-à-dire de ne pas faire partie de ces personnes qui vont opérer ce changement majeur.
La question qui intéresse évidemment ce philosophe des sciences est celle du rapport au savoir : va-t-il changer avec tous ces Petits Poucets ? Pour lui, tel Saint Denis, Petite Poucette tient sa tête entre ses mains et continue de vivire, de penser. Sa tête, c'est-à-dire son savoir, n'est autre que son ordinateur. Ne vaut-il pas mieux avoir une tête bien faite qu'une tête bien pleine, demande-t-il, en reprenant Montaigne ? Serait-ce là la fin du savoir ?
En l'espace de moins de 100 pages, Michel Serres livre dans cet essai une vision extrêmement intéressante de ce monde en transformation. Son texte m'a captivée du début à la fin. Il réussit à mettre sa pensée à la portée de tous, en abordant des questions fondamentale sur l'éducation de nos jeunes générations et leur capacité à former une communauté de Petits Poucets. Je le recommande vivement à tous, et peut-être encore plus aux enseignants.
Référence
Michel Serres, Petite Poucette, éditions Le Pommier, 84 pages