Critique de la déraison pure - Daniel Salvatore Schiffer
Présentation de l'éditeur : Fin des années 1970 : les "nouveaux philosophes" envahissent les médias. Ils s'appellent André Glucksmann, Maurice Clavel, Jean-Marie Benoist, et surtout Bernard-Henri Lévy. Ils seront bientôt suivis d'amis proches sur le plan idéologique dont, au premier rang, Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner. Trente ans plus tard, que reste-t-il de leur réflexion? Si les membres de ce courant ont incontestablement marqué la scène publique française, leur héritage fait débat sur le plan philosophique. C'est sur ce terrain que Daniel Salvatore Schiffer a choisi d'exercer son regard critique.
Essai aux accents pamphlétaires, Critique de la déraison pure, référence directe au maître ouvrage d'Emmanuel Kant, dresse un bilan cinglant de la pensée léguée par les "intellectuels médiatiques". Loin de se borner à la mise en cause de leurs postures, ce livre engage, pour la première fois, une réflexion de fond sur les dérives et les manipulations logées au coeur de leur philosophie.
En écrivant Critique de la déraison pure, Daniel Salvatore Schiffer entreprend ce qu'il appelle une "oeuvre de salut public" : "tel est, en tout cas, le véritable enjeu de ce livre : le destin ou, à tout le moins, l'image de la philosophie française" (page 59). En 368 pages, il démonte la philosophie de ces "nouveaux philosophes", philosophie qui est fondée sur du vent et bien trop souvent sur de grossières erreurs. En réalité, même s'il parle des "nouveaux philosophes" dans leur ensemble, il s'en prend essentiellement à Bernard-Henri Lévy.
Loin de le critiquer pour des raisons superficielles, il entreprend une véritable critique sur le fond de son oeuvre. Pour cela, il reprend les théories développées par Lévy dans ses livres pour les démonter avec tout un argumentaire bien étudié. Globalement, ce qu'il reproche à Lévy est son manque d'honnêteté intellectuelle qui fait que ce dernier a tendance à reprendre à son compte des idées développées par d'autres vrais philosophes comme Albert Camus. Mais, Daniel Salvatore Schiffer s'attache également à mener une véritable critique philosophique de ses oeuvres en démontrant les erreurs faites par Lévy. C'est notamment le cas de ce que Schiffer appelle "le faux débat entre Sartre et Lévinas", créé de toute pièce par Bernard-Henri Lévy.
Une partie assez conséquente du livre est également consacrée à la façon dont ces "nouveaux philosophes" ont médiatisé la guerre de Bosnie et ont créé un débat médiatique à la limite du racisme autour de la Serbie. Ils ont réussi à tirer toutes les ficelles pour intéresser les médias à un problème politique et à présenter ce problème de façon biaisée pour le faire rentrer dans leur cadre erroné d'interprétation du monde.
Cet essai est très intéressant car il s'attaque à des personnages dont l'envergure médiatique n'est plus à démontrer et dont les erreurs philosophiques ont donc de grandes conséquences sur la philosophie française. J'ai été tout de suite intéressée par ce partenariat car j'ai toujours, au cours de mes études, été mise en garde par mes professeurs de ne pas écouter ces philosophes médiatiques plus attachés à leur égo qu'à la Vérité. Malheureusement, je doute fort que les personnes appréciant le discours des "nouveaux philosophes" lisent un tel livre. Un peu défaitiste, j'ai tendance à penser que ce livre est un coup d'épée dans l'eau car ces "nouveaux philosophes" continueront à faire le jeu des médias tant qu'ils leur donneront des histoires à raconter. Leur principale caractéristique n'est-elle pas d'être de bons story-teller finalement?
Finalement, même s'il est regrettable que ces "nouveaux philosophes" occupent une place si privilégiée dans le champ médiatique, il est important de noter qu'ils n'en ont aucune dans le champ universitaire, ce qui est peut-être tout aussi important.
Référence
Critique de la déraison pure, la faillite intellectuelle des "nouveaux philosophes" et de leurs épigones, Daniel Salvatore Schiffer, François Bourin Editeur, 368 pages
Merci à Blog-o-Book et aux éditions François Bourin pour ce partenariat