La petite femelle - Philippe Jaenada
Pauline Dubuisson est née en 1927 dans le nord de la France dans une famille aisée. Elle grandit entourée de trois frères qu'elle ne côtoya guerre longtemps, d'une mère complètement effacée et d'un père psychorigide qui mena son éducation à la baguette. Elle est élevée dans une culture protestante de la rigueur, où aucune place n'est laissée au plaisir, à la joie ou aux démonstrations d'affection. Son père lui enseigne la philosophie de Nietzsche dès son plus jeune âge et lui inculque un certain nombre de principes philosophiques durs pour une petite fille. Elle grandit vite et est une jeune adolescente lorsque sa commune est occupée par les nazis. Son comportement de femme libre pour l'époque et sa proximité avec des soldats allemands choquent et lui créent une étiquette de femme aux moeurs légères.
Pauline est ambitieuse et rêve de devenir médecin. Elle part faire des études à Lille où elle rencontre Félix Bailly, qui devient son petit ami. Leur relation n'est pas simple car il est fou amoureux de Pauline alors qu'elle est persuadée de ne pas éprouver d'amour pour lui, jusqu'au jour où il la quitte.
Philippe Jaenada s'empare de ce fait divers qui fit la une des journaux dans les années 1950, et cherche à rétablir la vérité. L'histoire de Pauline Dubuisson et le sort de Félix Bailly captiva la presse qui en fit ses gros titres pendant des mois. Son passé fut raconté sur la place publique dans les moindres détails et fut tant et si mal traité que bon nombre de mythes furent créé par des médias qui perdirent tout sens rationnel et toute méthode professionnelle dans le traitement journalistique de cette affaire. Après Sulak, voilà un sujet passionnant pour Philippe Jaenada !
Il nous raconte l'enfance et l'adolescence de Pauline, qui furent d'une aridité émotionnelle intense. C'est une façon de comprendre cette femme, qui ne sait pas reconnaître ses propres sentiments et encore moins les exprimer. Pauline est en avance sur son époque : trop libre sexuellement, pas assez soumise aux demandes de ses amants (elle refuse plusieurs fois le mariage pour poursuivre ses études et sa carrière), belle, intelligente... Elle gêne. C'est certainement une des raisons pour lesquelles ce fait divers a autant captivé la presse et les français dans les années 1950, alors que d'autres crimes passionnels n'ont pas fait les gros titres à l'époque.
Philippe Jaenada est l'auteur parfait qu'il fallait à Pauline : plein d'empathie, il cherche à la comprendre alors que tous cherchaient à la juger. Il rend son humanité à une femme dont les médias ont fait un monstre sans coeur. J'ai retrouvé son style si original, sympathique et naturel, avec bien plus de plaisir que je ne l'imaginais. Philippe Jaenada écrit comme s'il parlait à son lecteur autour d'une bière (je l'imagine bien plus autour d'une bierre que d'un thé...). Son texte est plein de parenthèses qui ne m'ont absolument pas ennuyées, de blagues potaches qui m'ont fait sourire bien souvent (alors que ce n'est pas tellement mon style).
Bref, il arrive à raconter un fait divers en rendant à ses personnages toute leur humanité, et cela en toute humilité.
Référence
Philippe Jaenada, La petite femelle, éditions Julliard, 720 pages
Merci aux éditions Julliard pour cette découverte.